le Pic Pierroux

Samedi, 3h du matin...le réveil sonne, déjà. Un coup d'oeil par la fenêtre : quelques étoiles que l'on devine bien cachées par de gros nuages. Qui ont l'air bien haut, trop haut pour avoir de bonnes chances de passer au dessus facilement dans le Vercors ou en Chartreuse.

Alors destination le pic Pierroux, dans le Dévoluy, à plus de 2300m. Découvert en 2001, le point de vue sur les crêtes du nord-est du massif y est très beau, et lors de ma dernière visite à l'occasion d'un bivouac en 2003, je m'étais promis d'y retourner en hiver. Mais c'est un peu délicat à pied ou raquettes : longue pente finale à 30-35° plus une arête finale délicate, je préfère éviter le coeur de l'hiver et les grosses neiges. L'occasion ne s'est pas encore présentée d'y monter peu après une petite chute de neige, pour profiter des avantages photographiques du blanc sans les dangers...

Direction, donc, le Dévoluy. Il faut y croire pour faire la route sous les nuages (les quelques étoiles aperçues au lever ont disparu) surtout quand, dès la Mure, c'est le grésil qui est là. Les lacets de la petite route de Saint-Sébastien ne sont pas très engageants avec ce temps...

5h15, départ de la voiture, vers 1400m, dans le brouillard et toujours quelques flocons. Glace et neige mélées sur la piste, puis dès le début du vallon de l'Aup, 5 à 10cm de neige au sol, bien durcie par le froid. Au moins la progression sera facile : les raquettes resteront sur le sac-à-dos...

J'ai expérimenté un nouveau concept : la rando-GPS. Par nuit noire, la frontale éclaire à peine à 3 ou 5m dans la brume épaisse, il n'y a aucun repère au sol (pas de sentier qui serait recouvert par la neige, ni balisage), très vite plus un arbre non plus, juste de la neige et quelques cailloux ou touffes d'herbe et le bruit des pas sur la neige. J'ai donc suivi scrupuleusement la cartographie intégrée au GPS...méthode pas très académique, mais bien pratique.

1500, 1600, 1700m..la pente se redresse et la neige est un peu plus épaisse, mais toujours dure. 1800m, 1900m, 2000m, j'attaque la raide pente finale qui s'est bien dégarnie sous le vent. Zones de cailloux assez faciles à remonter, et quelques cairns. Après presque 2h de montée dans ces conditions, je commence à m'inquiéter de voir que je suis toujours dans la purée de pois, le vent et le froid, et à me demander ce que je fais là vers 7h au lieu de dormir au chaud.
Mais le moment magique arrive enfin : je commence à voir une petite clarté dans les nuages, puis soudain un fin croissant de lune qui vient de se lever, vite recouvert par les nuages. 2100m, ça y est, je suis au dessus d'une épaisseur de près de 700m de nuages, et à peu près certain d'y rester !

Quelques images de la pente et, au delà de la mer de nuages, des plus hauts sommets.

Mais vite un autre problème : l'heure. 7h, le soleil se lève à 8h, près de 300m à monter encore, et la fatigue est là dans cette pente raide. Ce sera donc une montée où je profite des pauses dûes à l'essouflement pour faire quelques photos...avec les nuages au loin qui commencent à se colorer doucement.

8h05, j'arrive au sommet au moment où le soleil se lève...

Les choses sérieuses vont commencer  :grin:

Maintenant, après le passage pénible (trace de 50cm entre un bloc rocheux et une pente raide qui plonge vers le bas) entre les deux sommets, il reste à rejoindre "le" point de vue situé au bout de cette crête enneigée

Derrière moi, le sommet, à gauche le haut de la longue pente remontée dans les nuages...et au loin, l'Obiou...

On voit bien d'ici tous les sommets et vallons de l'ouest du massif, des Tête et Roc de Garnesier à gauche jusqu'à l'Obiou à droite. La mer de nuages stagne toujours vers 2000,2200m...

et les flots traversent le bas de l'arête de Rattier. Derrière l'Obiou, le Vercors : seul le Grand Veymont émerge des nuages.

Côté gauche de l'arête, des petites corniches que l'on devine sur la première image. Côté droit, des gradins rocheux largement recouverts de neige, et qui dans mon souvenir étaient déjà pénibles, bien que sans grande difficulté, en été. Enfin, bon, ça passe...

Et me voilà sur ce point de vue. Heureusement que, dans mon souvenir, aller plus loin est moins intéressant d'un point de vue photographique : ça semble se compliquer un peu, plus raide et plus de neige.

Je retrouve un cadrage proche de celui de la première image...Comme prévu, les falaises du sud de la montagne de Faraut sont mal éclairées et un peu "vieille neige", mais les brumes basses et l'ambiance compense largement...j'ai bien fait de me lever !

Depuis 2001, j'ai découvert le numérique et les possibilités de faire simplement des panoramiques :


Petit autoportrait grâce au petit trépied que j'ai monté :

En dessous de moi, les brumes couvrent la vallée du Drac. Comme souvent, elles s'effilochent progressivement en allant vers le Gapençais : au col Bayard il n'en restera rien, et déjà ici elles sont moins denses et élevées que les brumes qui recouvrent le lac du Sautet et l'intérieur du Dévoluy.

Un regard vers l'intérieur du massif, pour me rendre compte que les nuages s'abaissent, un peu. Le Gicon qui était caché jusque là émerge des brumes, devant le Grand Ferrand au loin.

Retour prudent et pas très rapide là où j'ai vu le soleil se lever : les difficultés techniques sont déjà finies, il restera la descente dans la brume. Mais j'en profite encore pour faire quelques images sous une lumière devenue bien blanche.
Au nord on aperçoit la longue arête qui mène au Faraut et, de l'autre côté du Drac et des brumes, le massif des Ecrins.

Sur le massif, les brumes s'éclairent progressivement

et le Gicon est désormais bien au dessus des nuages

Comme du coton...les nuages se déplacent sous l'effet du vent, des creux et des bosses se forment...

Il est temps de rentrer, et pour cela, repasser sous la couche nuageuse.

La fin de la descente sera rapide et agréable : après la montée, la contemplation et l'explosion des couleurs au sommet, le calme revient.
Je suis plus ou moins la trace de montée, peu visible dans la neige dure et la visibilité réduite à quelques mètres au plus épais de la brume.

Pas trop envie de réfléchir et me remémorer un terrain parcouru dans la nuit : un coup d'oeil au GPS de temps en temps pour m'assurer que je ne m'éloigne pas de la trace me permet de me concentrer sur les impressions, le plaisir de la descente agréable - bien plus qu'en été dans la caillasse - et le silence, toujours pas un animal, pas un humain.

L'arrivée sur la piste puis à la voiture marque la fin du périple. Maintenant que la tension de la montée, de la photo sont retomnées, le manque de sommeil et la fatigue de la course finale pour être  au sommet au lever de soleil commencent à se faire sentir...mais il reste une longue route.

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